« la Garelle connue pour les Piochs », d’abord un lieu-dit ! »

Quelques repères toponymiques …

Avant de poursuivre plus avant, il importe de planter le décor en inscrivant nos recherches dans le paysage environnant pour en saisir tout le sens.

1. L’étude toponymique, science des noms de lieux, n’est complète, en Languedoc, que si elle se double d’une enquête dialectologique questionnant le sens de ces noms en patois languedocien (là, nous avons l’homme de la situation en la personne de Louis TROUCHE et son blog https://chemin-exploitation-et-randonnee-montbazin.com); et elle requiert souvent aussi une assistance pluridisciplinaire comportant historiens, géologues … voire psychologues ?…

Ainsi, le terme de Pioch (ou puech), dérivant du latin podium pour désigner une colline ou un mont, indique que le lieu-dit est en hauteur, et qu’il méritait sans doute bien son appellation transitoire de « Mont Valesque ».

Les ruissellements d’eaux pluviales étaient bien connus des anciens, et sont ici représentés par les stries noires dessinées sur cette carte d’état-major de 1830-1866

L’axe sommital Nord-ouest / Sud-est expliquent sans doute que tout le monde s’accordait à ne pas construire sur les pentes versantes que traverse au sud l’avenue de Villeveyrac anciennement chemin de Vallemagne puis D 5.

Etait-ce la raison qui fondait l’interdiction de la SAFER de morceler et lotir la Garelle ? interdiction levée en 1982 mais pourquoi ?

Interdictions SAFER des 14.12.67 (SPF2 – 3404P02 Volume 4434 N° 26) et suivants

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2. Que fait donc là le chemin des Piochs ?


Un chemin ne tient son existence que de sa fonction, fonction géophysique ou naturelle, fonction sociale reliant les hommes, fonction économique au service des échanges entre les hommes…

S’il naît de son utilité, il peut aussi disparaître si, devenant inutile, il n’est plus entretenu par l’activité humaine.

C’est un élément structurant pour l’organisation du parcellaire, il convient pour cela de se référer aux travaux de Jean-Loup Abbé, sa thèse de 2004 en historiographie de l’espace rural et urbain1, ou encore son article de 2005 : L’eau et la terre. Les transformations des milieux humides en Languedoc-Roussillon au Moyen Âge2.

Il peut aussi se rappeler aux hommes lorsque ceux-ci oublient les forces vives de la nature… ?! celles de nos épisodes cévenols par exemple ?

Pour les Montbazinois, ce chemin s’est creusé naturellement, au fil des siècles, par l’érosion progressive des ruissellements : c’était d’abord et avant tout un chemin pluvial suivant la pente de l’écoulement naturel des eaux en direction de la Vène en contrebas.

Il est donc probable que l’organisation parcellaire des terres labourables et vignes s’est peu à peu structurée autour de son axe, du nord-ouest au sud-est, prenant de l’ampleur avec la pente. Peu profond et étroit à son origine ouest, il s’élargit et se creuse progressivement, alors canalisé entre deux murs de pierres avant son arrivée au cami d’Antonègre à l’est :

https://chemin-exploitation-et-randonnee-montbazin.com

Les propriétaires des fonds inférieurs avaient coutume de reculer la limite haute de leurs parcelles pour permettre son élargissement et son aménagement pour les travaux agricoles, obtenant en contrepartie des droits de passage pour exploiter leurs parcelles enclavées.

Le toponyme Piochs prend ici tout son sens en confirmant l’existence de fonds dominants.
Il prend aussi toute son importance pour la compréhension des ruissellements d’eaux du Mont Valesque, et dont le chemin du même nom semble être un exutoire naturel.
En canalisant ces ruissellements, le chemin des Piochs ne protégeait-il pas les maisons construites sur l’avenue de Villeveyrac en contrebas ?

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3. Les ténements de vignes ou terres labourables de la Garelle dite des Piochs


Cette appellation de la Garelle dite les Piochs est attestée par nombre d’actes notariés ne signalant pas tous la présence du chemin du même nom, indiquant surtout des ensembles ou groupements de vignes ou terres agricoles situés aux alentours, et dont il pouvait sans doute recevoir les eaux pluviales tout en facilitant l’exploitation des parcelles du lieu-dit.

  • La donation-partage Poulalion-Gélibert à leurs 2 enfants : outre la parcelle F 205 au sud de la fin du chemin (dont AD 46 sur la photo précédente), cette donation concerne des partitions des parcelles F 210p, F 211p et F 212p, et le registre foncier en atteste :
Archives Départementales 34 – 5MI 10/17

Ce sont les mêmes parcelles centrales que celles du confront SERIN du « petit chemin compris dans la vente » à Isidore Reverbel, et sont désignées comme une « pièce de terre vigne ténement la Garelle dite les Piochs »

Archives Départementales 34 – 45Q/1/1946 N° 79

La vente Vve Artaud à Dupin-Garrigues (Archives Départementales 34 – 45Q/11 Volume 614 N° 56) concerne aussi les parcelles F 210p, F 211p et F 212p, en les mentionnant au lieu-dit La Garelle, connue pour les Piochs, Poulalion étant cité comme confront nord, et « le chemin » à l’ouest :

Archives Départementales 34 – 45Q/11 Volume 614 N° 56

Ces parcelles viennent probablement du confront SERIN, fond partiellement amputé depuis 1920 :

La mention « confront Est : Picou » des F 197p et 198p d’origine Valesque confirme la jonction de ces parcelles F 210p, F 211p et F 212p avec les parcelles longeant au nord l’extrémité Est du chemin des Piochs à son issue sous la grange Capart AD 14 :

La continuité des confronts du « petit chemin compris dans la vente » est ainsi prouvée !

Surtout, devenant la F 72, elles vont constituer, pour leur partie Ouest, le fond AD 11. La mention du confront « à l’ouest, le chemin » prouve que le chemin se poursuit au-delà de la parcelle F 72 ! Comment l’AD 11 peut-elle se prétendre propriétaire d’un chemin qui va a-delà à l’ouest, jusqu’à la F 214 ? Un chemin dont le talus est toujours mentionné par Géofoncier.fr3.

Ainsi :

  • La dévolution successorale Gélibert-Donadieu et Uranie Donadieu prédécédée en 1903 avant sa mère (Archives Départementales 34 – 45Q/11 Vol 176 N° 35), -donation à ses neveux Vidal et Picou-, confirme que ce lieu-dit de « la Garelle connue pour les Piochs » va jusqu’à l’Est pour les parcelles F197 et 198 dominant l’issue actuelle du chemin des Piochs sur le cami d’Antonègre :
Archives Départementales 34 – 45Q/11 Vol 176 N° 35
  • Ces parcelles F 197 et 198 se retrouvent enfin dans la dévolution successorale Picou-Vidal / Marsolat (Archives Départementales 34 – 45Q/11 Vol 1493 N° 60) avant de se faire partie intégrante de l’actuelle AD 11

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CONCLUSIONS

Les seuls repères toponymiques du lieu-dit de « la Garelle pour les Piochs » permettent de prouver, à eux seuls, la continuité des confronts sur toute la longueur des F 211-212-210 jusqu’aux F 197-198 à l’Est, faisant la jonction entre les confronts SERIN et VALESQUE-CHAMBERT


La vente Artaud-Dupin, constitutive de la future AD 11, prouve également que le chemin, cité comme confront ouest de ces mêmes parcelles F 211-212-210, est présent au-delà de l’AD 11, comme le laissait supposer, bien sûr, son rôle de chemin pluvial !

L’AD 11, fonds inférieur des parcelles F 214 et autres en amont, n’avait-elle pas l’obligation, au titre des articles 640 et suivants du Code civil, de recevoir les ruissellements pluviaux d’amont ? sous réserve bien sûr qu’il n’y ait pas eu aggravation de la main de l’homme.

L’ensevelissement terreux du chemin des Piochs en contrebas de cette parcelle ne fait-il pas obstruction illégale à l’écoulement naturel des eaux vers la Vène en contrebas ?

Le mur construit pour en interdire l’accès par le cami d’Antonègre ne fait-il pas digue aggravant la montée des eaux en amont et leur débordement sur les fonds inférieurs de l’AD 11, à savoir les riverains de l’avenue de Villeveyrac ?

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Références


1 PUIG Carole : ABBE Jean-Loup, Société, espaces et parcellaire. Contribution à l’étude de l’aménagement de l’espace en Languedoc au Moyen Âge (XIIe-XIVe siècles), Université de Toulouse-Le Mirail, 18 novembre 2004 (compte-rendu)
In: Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, Tome 117, N°251, 2005
www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_2005_num_117_251_7509_t9_0433_0000_1


2 ABBE Jean-Loup, L’eau et la terre. Les transformations des milieux humides en Languedoc-Roussillon au Moyen Âge. Âge. 2005, pp.37-50.
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00139511


3 Cartographie Géofoncier.fr :


Puisque vous êtes là…la suite « 4-To be or not to be THE CHEMIN DES PIOCHS partie Ouest ? »